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Il y a 100 ans, le 24 mai 1918, les femmes canadiennes obtenaient le droit de vote pour la première fois. Aujourd’hui, nous célébrons cette étape importante tout en réfléchissant au sort de ceux et celles qui en ont été exclu.e.s et à la lutte – loin d’être terminée – pour l’égalité des droits.

Une bataille gagnée et une guerre qui ne fait que commencer

Alors que nous soulignons le centenaire du droit de vote des femmes aux élections fédérales, il est de notre devoir de mettre en lumière certaines vérités moins reluisantes qui se cachent derrière ce jalon de notre histoire. ROSEMARY COUNTER lève le voile sur une lutte qui est loin d’être terminée.

Il est dans la nature humaine de raconter des histoires, de créer des mythologies, de célébrer. Dès l’école primaire, on nous a inculqué un récit familier que plusieurs d’entre nous connaissons encore aujourd’hui : alors que la Première Guerre mondiale tirait à sa fin, même les éléments les plus conservateurs du gouvernement du premier ministre Robert Borden ne pouvaient plus fermer les yeux devant le fervent effort de guerre fourni par les femmes canadiennes. Elles avaient pris la place des hommes sur le marché du travail, excellant dans des domaines aussi variés que la machinerie, l’ingénierie et l’agriculture, et n’étaient pas près de réintégrer sagement leur foyer sans qu’on reconnaisse leurs efforts. « Les femmes bien ne veulent pas voter! », criaient leurs détracteurs. Et pourtant, des femmes telles que la célèbre militante Nellie McClung et ses consœurs, les Célèbres cinq, ont persisté dans leur lutte. C’est le 24 mai 1918 qu’ensemble, solidaires, elles ont gagné la bataille pour le droit des femmes de voter aux élections fédérales. Fin de l’histoire.

Enfin, pas tout à fait. En réalité, seules certaines femmes ont obtenu l’émancipation politique ce jour-là. Le droit de vote des femmes était soumis à certaines stipulations – liées à l’origine ethnique et à la propriété foncière – qui en excluaient plusieurs. Voter était un privilège réservé aux gens « civilisés », et le christianisme, le nationalisme et l’eugénisme ont marqué le mouvement des suffragettes de manière indéniable et parfois gênante.

En examinant de plus près l’histoire du droit de vote des femmes au Canada, on remarque que beaucoup des événements qui l’ont jalonnée méritent de plus amples explications. Le 24 mai 1918, que nous avons marqué d’une pierre blanche, s’insère en fait dans une longue lutte ayant débuté des décennies auparavant et qui se poursuit encore aujourd’hui. Cent ans plus tard, les femmes canadiennes sont amenées à réfléchir à ce que l’obtention du droit de vote signifiait pour les femmes de l’époque et à ce que signifie ce droit aujourd’hui. Tandis que nous rassemblons les différentes pièces du casse-tête afin de reconstituer l’histoire, nous n’avons pas le choix de nous poser la question : y a-t-il matière à célébrer une date où le droit de vote n’a véritablement été accordé qu’à quelques-unes?

Née à Vancouver, Shimizu était militante et enseignante. Dans les années 1930, elle s’est battue pour le droit de vote des immigrant.e.s d’origine asiatique et de leurs enfants aux côtés de la Japanese Canadian Citizens’ League (un organisme qui rassemblait plusieurs immigrant.e.s de deuxième génération canado-japonais.e.s issu.e.s du milieu universitaire).

Cette question était au cœur des préoccupations des politicien.ne.s et des universitaires canadien.ne.s qui se sont rencontré.e.s en mai dernier pour discuter des conséquences de la victoire de 1918. La rencontre se déroulait sur le site de l’ancien Victoria Memorial Museum (aujourd’hui le Musée canadien de la nature), à Ottawa – l’endroit même où a été adoptée la Loi ayant pour objet de conférer le droit de suffrage aux femmes. Sur le panel réuni à Ottawa siégeait Jane Hilderman, directrice générale du Samara Centre for Democracy, un groupe de réflexion non partisan. Elle explique : « Nous sommes porté.e.s à vouloir désigner une date pour célébrer, à identifier un moment historique, mais si on prend le temps de s’attarder à l’histoire du mouvement pour le suffrage des femmes, on réalise qu’il est composé de plusieurs moments qui se sont succédé jusqu’à cette date, et d’autres qui l’ont suivie. C’est une belle leçon d’humilité que de constater à quel point nous en savons peu. »

Cela dit, les noms des militantes méritent sans aucun doute qu’on les commémore. Les Célèbres cinq, dont faisait partie McClung, sont perçues par plusieurs comme les visages du mouvement pour les droits des femmes au Canada (bien qu’elles ne soient devenues « célèbres » qu’en 1929, alors qu’elles militaient auprès de la Cour suprême du Canada afin que les femmes soient reconnues comme des « personnes » à part entière au sens de la loi). Toutefois, de nombreuses autres femmes, moins largement connues, ont marqué ce mouvement. Mary Ann Shadd Cary était l’une d’elles. Enseignante issue d’une famille noire du Delaware, elle a immigré au Canada en 1851. Deux ans plus tard, elle devenait la première femme à occuper le poste d’éditrice au Canada en fondant le journal anti-esclavagiste Provincial Freeman, un hebdomadaire qui traitait des droits des femmes, d’abolitionnisme et de désobéissance civile. C’était 60 ans avant la naissance du mouvement tel que nous le connaissons.

Sutton était une femme ojibwé qui a fait pression sur le gouvernement canadien et, plus tard, sur la reine Victoria afin que cessent les mesures assimilationnistes et sexistes qui empêchaient les personnes autochtones de posséder des terres et de faire respecter leurs traditions tout en se prévalant de leur droit de vote aux élections fédérales.
Il y a également eu Flora MacDonald Denison, une couturière de Toronto devenue journaliste, qui a été l’une des plus influentes commentatrices du mouvement des suffragettes. (« Ne vous enflez pas la tête », lui intimait l’une des nombreuses lettres haineuses qu’elle a reçues à l’époque.) Denison a été nommée présidente de la Canadian Suffrage Organization en 1911. Elle a manifesté à Washington en 1913 et à Queen’s Park en 1916 afin d’obtenir le droit de vote provincial. Peu de temps après, atteinte de la grippe espagnole et de pneumonie, elle s’est éteinte pour être ensuite pratiquement oubliée.

Sur la côte ouest, Helena Gutteridge était une immigrante britannique issue de la classe ouvrière dont la pensée féministe était teintée par la lutte pour le droit de vote, le socialisme, l’appartenance au mouvement ouvrier et les droits des personnes sans emploi. Parce qu’elle était une femme, le mouvement ouvrier de Vancouver l’a maintenue à distance; parce qu’elle était issue de la classe ouvrière, les suffragettes ne l’ont pas accueillie parmi elles. Cent ans plus tard, en mars dernier, on a finalement inauguré une plaque commémorative honorant la mémoire de Gutteridge, la première femme à devenir conseillère municipale pour la Ville de Vancouver.

Il est navrant que le travail acharné de ces femmes et de nombreuses autres ait été effacé par le passage du temps, mais il ne faut pas se laisser gagner par le découragement : « Ces personnes ne sont jamais vraiment perdues – nous pouvons les retrouver », affirme Joan Sangster, auteure de One Hundred Years of Struggle. La parution de cet ouvrage, en mars 2018, avait été prévue pour célébrer le centenaire du droit de vote des femmes, mais l’historienne y raconte une histoire qui va bien au-delà de ce seul jalon : « Je veux montrer que la lutte s’est étirée sur de nombreuses années et a duré beaucoup plus longtemps que ce que nous avons pu imaginer par le passé », explique-t-elle. Aujourd’hui, les enseignant.e.s ne limitent pas le mouvement des suffragettes aux quelques années entourant la Première Guerre mondiale et ne le présentent plus comme le récit linéaire d’un petit groupe de femmes partageant les mêmes idées.

En tant que militante pour les droits des femmes et l’une des premières femmes médecins à pratiquer au Canada, Stowe était d’avis que le droit de vote permettrait aux femmes d’accéder à une meilleure éducation et à une meilleure situation professionnelle. Elle a fondé le Toronto Women’s Literary Club en 1876 (qui deviendra plus tard la Canadian Women’s Suffrage Association) afin de lutter pour une éducation supérieure plus accessible et pour de meilleures conditions de travail pour les femmes.

En fait, les suffragettes étaient un groupe extrêmement diversifié sur les plans intellectuel et idéologique. « Le mouvement incluait des socialistes et des conservatrices, des militantes anti-alcool et des libertines, des impérialistes et des pacifistes », souligne Sangster. Elles voulaient toutes obtenir le droit de vote, mais pour des raisons tout à fait différentes. « Certaines voulaient accéder à la classe dominante, d’autres souhaitaient l’abolir. Certaines se réclamaient du caractère biologiquement et psychologiquement distinct de la femme, d’autres, de l’unité de l’espèce humaine et des points communs entre les hommes et les femmes… Certaines faisaient la promotion d’idées qui nous semblent aujourd’hui tout à fait contradictoires avec la pensée féministe, d’autres avaient des rêves utopiques d’égalité qui s’accordent mieux à notre vision moderne. »

L’histoire ne nous permet pas de trier les vérités sur le volet. Lorsque des anniversaires comme celui-ci surviennent, il faut donc s’y intéresser de près et exercer notre esprit critique : « Nous avons l’occasion, aujourd’hui, d’enrichir ce récit historique en se demandant quels ont été les acteurs de ce mouvement, qui en a été écarté et pour quelles
raisons », affirme Hilderman. Parmi celles ayant été exclues de la loi de 1918, on retrouve les femmes d’origines asiatique et autochtone, qui n’ont vu leurs droits reconnus qu’en 1949 et en 1960 respectivement.

« C’est un pan beaucoup plus sombre de l’histoire, que les Canadiens n’aiment pas aborder », souligne Melanee Thomas, professeure au Département de science politique de l’Université de Calgary. Bien qu’elles s’inscrivent mal dans l’esprit d’une célébration, nous nous devons de raconter et de prêter oreille à ces parties de notre histoire. « Cent ans plus tard, nous sommes encore à débattre de politiques raciales », affirme Thomas en allusion aux débats qui font les manchettes au sujet des « Canadiens de souche » et de l’immigration. « C’est un problème qui n’est pas chose du passé. »

Il ne s’agit pas de prétendre que nous avons tort de célébrer ce centenaire, qui a abattu une barrière importante. Aujourd’hui comme hier, « les avancées politiques demandent un travail acharné », note Thomas. Malgré les revers et les exclusions d’un mouvement imparfait, l’extension du droit de vote a été une victoire qui a permis à tou.te.s les Canadien.ne.s d’avancer – à petits pas – dans la bonne direction.

Alors que nous célébrons cet anniversaire, imaginons ensemble quel regard les suffragettes poseraient sur nous. « Certaines d’entre elles admireraient les progrès que nous avons accomplis, c’est certain. Elles se réjouiraient de nos nouvelles lois et de nos nouvelles approches face au marché du travail », affirme Sangster. « D’autres remarqueraient les mêmes problèmes qu’autrefois, tels que la violence faite aux femmes et l’iniquité salariale. » Elles constateraient que bien que le taux de vote chez les jeunes ait augmenté dans les dernières années, moins de six électeurs sur dix âgés de 18 à 24 ans se sont présentés aux urnes en 2015. Elles verraient un nombre record de femmes au Parlement, mais remarqueraient qu’elles n’occupent toujours qu’un quart des sièges à la Chambre des communes. Elles ne manqueraient pas de noter l’ironie qu’un tel anniversaire se superpose au mouvement #MoiAussi, rappelant que malgré un siècle de progrès gagnés à la sueur du front des femmes qui nous ont précédé.e.s, la bataille est encore loin d’être gagnée.

Un survol du droit de vote, hier et aujourd’hui par Tina Anson Mine

«N’avons-nous pas un cerveau pour réfléchir? Des mains pour travailler? Un cœur pour aimer? N’avons-nous pas des vies à vivre? Ne jouons-nous pas notre rôle de citoyennes? Ne contribuons-nous pas à la construction de l’Empire? Donnez-nous notre dû!»

NELLIE MCCLUNG


«JE NE VEUX ÊTRE UN ANGE EN AUCUN FOYER; JE VEUX POUR MOI-MÊME CE QUE JE DÉSIRE POUR TOUTES LES AUTRES FEMMES : L’ÉGALITÉ ABSOLUE. ET UNE FOIS QU’ELLE SERA ACQUISE, LES HOMMES ET LES FEMMES POURRONT, TOUR À TOUR, ÊTRE DES ANGES.»

AGNES MACPHAIL, PREMIÈRE FEMME À SIÉGER AU PARLEMENT DU CANADA, ÉLUE EN 1921


«Le droit de vote est l’un des grands privilèges d’une société démocratique. Après tout, c’est le peuple, et non le sondage Gallup, qui détermine à qui sera confiée la gouvernance des affaires publiques.»

JOHN G. DIEFENBAKER, ANCIEN PREMIER MINISTRE DU CANADA, QUI A MIS FIN À L’EXIGENCE POUR LES PERSONNES AUTOCHTONES DE RENONCER À LEUR STATUT D’INDIEN AFIN DE POUVOIR VOTER, LE 15 JUIN 1962


«NOUS DEVONS OUVRIR LES PORTES ET NOUS ASSURER QU’ELLES DEMEURENT OUVERTES AFIN QUE D’AUTRES QUE NOUS PUISSENT LES FRANCHIR.»

ROSEMARY BROWN, LA PREMIÈRE FEMME NOIRE CANADIENNE À ÊTRE ÉLUE À UN PARLEMENT PROVINCIAL (ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, 1972)

 

Pourcentage de femmes ayant exercé leur droit de vote en 2015 lors de l’élection fédérale, comparativement à 64% des hommes.

Tranche d’âge affichant le plus haut taux de participation chez les électrices canadiennes. Lors des élections fédérales de 2015, 78,6% des femmes de cet âge ont exercé leur droit de vote. Les 18-24 ans affichaient quant à eux le plus faible taux de participation.

Nombre d’années séparant la première élection fédérale, en 1867, et celle de 1960, lors de laquelle les personnes autochtones ont pu exercer leur droit de vote sans renoncer à leurs terres ou à leur statut d’Indien.

Nombre de femmes élues lors de l’élection fédérale de 2015.

Pourcentage des 338 sièges de la Chambre des communes à être occupés par des femmes à l’issue de l’élection fédérale de 2015.

Avant le scrutin
Un siècle après que les premières femmes canadiennes ont connu l’émancipation politique au niveau fédéral, l’écrivaine anichinabée RILEY YESNO, comme beaucoup d’autres Autochtones, se questionne sur le choix d’exercer son droit de vote.

«Voter ou ne pas voter?»
Plusieurs personnes issues de communautés autochtones peinent à répondre à cette question – et j’en fais partie. Lors de la plus récente élection provinciale en Ontario, la première depuis que je suis en âge de voter, j’ai hésité à exprimer mon vote jusqu’à la dernière minute. Durant les mois qui ont précédé l’élection, j’ai effectué des recherches et me suis penchée sur la question. Puis, alors que je me tenais devant l’urne au centre communautaire de mon quartier, j’ai dû prendre une décision.

L’héritage de générations de femmes qui m’ont précédée pesait lourd sur ma conscience. J’ai songé aux suffragettes et aux luttes acharnées qu’elles avaient menées pour que je puisse exercer mon droit. Je me suis rappelé que les femmes, en Ontario, n’avaient obtenu le droit de vote qu’en 1917 et que 2018 marquait le centenaire du droit de vote des femmes aux élections fédérales – bien que les personnes autochtones n’aient pu faire valoir le même droit qu’aux dépens de leur statut d’Indien jusqu’en 1960. (Les personnes inuites, elles, ont obtenu l’émancipation politique en 1950, bien qu’elles n’aient eu accès à des boîtes de scrutin dans les territoires du Nord qu’en 1962.) Ne pas voter me semblait être une insulte au mouvement pour les droits des femmes et une démonstration d’ignorance envers notre histoire. J’ai aussi songé à la ceinture de wampum à deux rangs et à l’importance de la souveraineté autochtone. Le Traité du wampum à deux rangs de 1613 montre bien pourquoi certains considèrent comme problématique le fait de participer à une élection canadienne. La ceinture est composée de deux rangs de billes violettes sur un fond blanc. Le premier rang représente le navire européen et le second, le canot des Premières Nations. C’est un symbole de respect et de paix qui représentait l’existence de deux systèmes parallèles, celui des Européens et celui des Premières Nations, qui s’engageaient à coexister sans que l’un des deux groupes n’interfère dans les processus de gouvernance et les modes de vie de l’autre. Le Canada a lamentablement échoué à respecter ce traité.

Bien que chacun ait sa propre plateforme et ses propres promesses, je crois qu’aucun parti politique canadien ne se préoccupe véritablement des besoins des communautés autochtones. À cet égard, je soutiens ceux et celles qui choisissent de s’abstenir lors des élections. Participer au vote dans le système actuel, c’est perpétuer le colonialisme qui a causé tant de torts à mon peuple.

Shadd Cary, qui a longtemps emprunté le pseudonyme M.A. Shadd afin de masquer son identité féminine, a été la première femme noire à occuper les fonctions d’éditrice en Amérique du Nord. L’hebdomadaire Provincial Freeman (publié à Toronto et à Windsor, en Ontario) s’intéressait aux inégalités raciales et au droit de vote des femmes, et informait ses lecteurs au sujet des rencontres de suffragettes se tenant au Canada et aux États-Unis.
D’autres personnes autochtones, toutefois, perçoivent le vote de manière différente. Plusieurs y voient une possibilité de faire entendre notre voix collective afin d’influencer les décisions politiques, un outil nous permettant d’assurer un avenir meilleur pour nos communautés.

En considérant chacune de ces perspectives, j’ai dû me poser certaines questions difficiles. Puis-je accepter de participer à un système à la fois si problématique et si durement acquis? Une abstention est-elle une forme de protestation ou est-ce, au contraire, accepter que d’autres décideront du sort de ma communauté, pour le meilleur ou pour le pire?

Le moment venu, j’ai décidé d’exercer mon droit de vote. Je ne l’ai pas fait en dépit de la responsabilité que je ressentais de respecter la souveraineté autochtone, ni à cause du poids de l’histoire qui pesait sur mes épaules. Je l’ai fait parce que sur mon bulletin de vote, je voyais plus que des noms et des partis. Je voyais l’avenir de notre territoire et de l’environnement, la subsistance des plus vulnérables, le sort des prochaines générations. J’ai choisi de voir mon vote comme un acte qui permettrait de réduire les dommages, une tentative infime et imparfaite de lutter en choisissant la meilleure option disponible afin d’assurer la qualité de vie de mes concitoyen.ne.s, particulièrement ceux et celles qui sont moins privilégié.e.s que moi.

Toutefois, je continue de croire que les voix des Autochtones qui s’opposent au vote sont nécessaires et importantes. La protestation et la résistance face aux systèmes avec lesquels nous sommes en désaccord sont souvent les seuls moyens d’encourager le changement. Pour emprunter les mots de l’écrivaine féministe américaine Audre Lorde, je sais bien que « les outils du maître ne serviront jamais à démanteler la maison du maître ».

Ma première élection a été difficile sur les plans personnel, moral et éthique. Je ne suis toujours pas certaine d’avoir pris la bonne décision, et je ne sais pas si je participerai aux prochaines élections. Toutefois, je suis convaincue que ces conversations, aussi difficiles soient-elles, sont essentielles, particulièrement lorsque vient le moment de commémorer des événements historiques tels que le centenaire du droit de vote des femmes aux élections fédérales. Le changement ne survient jamais dans le silence. Si nous voulons que ce pays change de manière radicale, qu’il accepte et respecte la souveraineté des peuples autochtones, nous devons continuer de mettre en question l’état des choses et d’en débattre.

 

Vers le droit de vote

PAR COLLEEN FISHER TULLY

 

 

Une page de notre histoire

 

Rappelant la controversée statue Fearless Girl affrontant le taureau de Wall Street, dans le Financial District de New York, cette illustration a été publiée en 1913 alors que le mouvement pour le droit de vote des femmes battait son plein. Les suffragettes canadiennes étaient alors pleines d’espoir : des pique-niques, des rencontres, des pétitions et des simulations parlementaires s’organisaient partout au pays. L’émancipation politique n’était plus exclusivement l’affaire de quelques privilégiées vivant en milieu urbain; les femmes issues de la classe ouvrière et des milieux ruraux se joignaient au mouvement, prêtes, elles aussi, à remodeler le paysage politique canadien. Cette illustration montre des hommes apeurés par la force montante que représente le mouvement pour le droit de vote des femmes. L’utilisation d’une jeune fille afin de représenter les femmes canadiennes est délibérée : elle symbolise la vertu et la réforme morale d’un système politique dominé par les hommes.



IN ENGLISH | EN FRANÇAIS

 

A Century of Struggle

It’s been 100 years since Canadian women were first granted the federal vote on May 24, 1918. As we mark that milestone, we also reflect on those who were excluded and on the continued fight for equal rights for all.

 

A Battle Won, A War Just Begun

 

As we mark the centennial of women’s right to vote federally, it’s our responsibility to discuss the not-so-celebratory truths behind that moment in history. ROSEMARY COUNTER explains that there’s more to the story—and that the fight is far from over.

 

It is only human nature to tell stories, mythologize, and celebrate. Here’s a familiar tale many of us can recite from elementary school: As the end of WWI neared, even Prime Minister Robert Borden’s staunch Conservative government couldn’t deny women’s massive contribution to the war effort. They had stepped up and into men’s jobs, excelling at everything from machinery to engineering to farming, and weren’t about to return to their homes with nothing to show for their efforts. “Nice women don’t want the vote!” cried detractors. Yet women like famed voting-rights crusader Nellie McClung and her cohorts in the Famous Five suffragists nonetheless persisted, and on May 24, 1918, united in solidarity, they won the right for Canadian women to vote in federal elections. The end.

Only not quite. In truth, only some women were enfranchised that day. Being a voter came with stipulations—women had to meet racial and property ownership requirements—that excluded many. Voting was for “civilized” people only, so Christianity, nationalism, and eugenics were deeply and uncomfortably engrained into many suffragists’ politics.

Look closer at the story of women’s voting rights in Canada and no part stands best without an asterisk and an explanation. We mark May 24, 1918, as a milestone knowing that the fight for equal rights began decades earlier and still endures today. Now, 100 years since that achievement, women in Canada are reflecting on what gaining the federal right to vote meant to women then and what it means now. As we piece together all the parts of the story, it behooves us to ask: When rights were granted only to some, should we really be celebrating at all?

Born in Vancouver, Shimizu was an activist and teacher who, along with the Japanese Canadian Citizens’ League (an organization comprised of other university-educated second-generation Japanese-Canadians), fought in the 1930s for the right for Asian immigrants and their children to vote.

This was the topic at hand when Canadian politicians and scholars met in May at the location of the former Victoria Memorial Museum (now the Canadian Museum of Nature) in Ottawa, where the Act to Confer the Electoral Franchise upon Women was passed, to discuss the significance of the 1918 victory. On the panel was Jane Hilderman, executive director of the Samara Centre for Democracy, a non-partisan think tank. “We have a tendency to want to find a date to celebrate, a moment that was the moment,” she says. “But if you take the time to unpack the encyclopedia entry of women’s suffrage, you realize there are many, many moments leading up to and far afterwards. It’s humbling to realize how much you don’t know.”

The names of the women activists, for example, are well worth commemorating. The Famous Five, including McClung, are often seen as the face of the Canadian women’s rights movement (though they didn’t become “famous” until 1929, when they petitioned the Supreme Court of Canada to include women as “persons” under the law). But there are countless women who aren’t as well known. Mary Ann Shadd Cary, for one. She was a teacher born to a free black family in Delaware who immigrated to Canada in 1851. Just two years later, she became Canada’s first female publisher when she founded the anti-slavery newspaper the Provincial Freeman, which discussed women’s rights in tandem with abolitionism and civil disobedience—six decades before the women’s movement as most of us know it.

Sutton was an Ojibwa woman who petitioned the Canadian government and later Queen Victoria, arguing against assimilationist and sexist policies that barred Indigenous peoples from legally owning their land and observing their cultural customs while also having the right to vote federally.

Then there is Flora MacDonald Denison, a Toronto dressmaker turned journalist turned one of Canada’s most prominent suffragist writers. (“Don’t get a swelled head,” reads just one of an impressive collection of vintage hate mail she received). Denison became president of the Canadian Suffrage Organization in 1911. She marched in Washington in 1913 and at Queen’s Park for the provincial vote in 1916. Not long after, she caught the Spanish flu, then pneumonia, and died, nearly impoverished and forgotten.

On the West Coast, Helena Gutteridge was a British working-class immigrant whose feminism merged suffrage, socialism, the labour movement, and rights for the unemployed. Because Gutteridge was a woman, Vancouver’s labour movement didn’t particularly want her; nor did the suffrage movement welcome her, because she was a worker. One hundred years later, Gutteridge was finally honoured in March via commemorative plaque—for being Vancouver’s first female city councillor.

That these great women’s and countless others’ tireless work gets erased by time can be a discouraging and disheartening thought. Here’s a better one: “These people are never really lost—you can recover them,” says Joan Sangster, author of One Hundred Years of Struggle. The historian’s book, released in March 2018, was timed to the centennial, but in it she tells a story that goes much further than one single milestone. “I’m trying to show that the struggle was actually far longer and more drawn out than we’ve ever imagined in the past,” she says. Teachers no longer dump the suffrage movement into a few years around WWI, nor do they teach a linear tale championed by an intimate group of same-thinking women.

An advocate for women’s rights and one of Canada’s first female doctors, Stowe believed women having the right to vote would give them a chance at better education and employment. She founded the Toronto Women’s Literary Club in 1876 (later renamed the Canadian Women’s Suffrage Association) to fight for access to higher education and better working conditions.

In fact, it’s hard to imagine a more intellectually or ideologically diverse group. “The movement included socialists and conservatives, anti-alcohol temperate advocates and free lovers, imperialists and pacifists,” writes Sanger. They all wanted the vote but for countless different reasons. “Some wanted to join the ruling class, others to abolish it. Some stressed women’s innate biological and psychological distinctiveness, others emphasized the human connection and commonality between women and men.… Some promoted ideas that we now see as a repugnant contradiction to feminism, others glimpsed utopian visions of equality that more readily suit our views.”

History doesn’t let us selectively pick and choose our truths, no matter how we try, so when anniversaries like this one come along, it’s a time to look closely and critically. “This story has an opportunity in this moment to be enriched into a new narrative about who did the work, who was left out, why they were left out,” says Hilderman. Women excluded from the 1918 act included Asian and Indigenous women, who weren’t enfranchised until 1949 and 1960, respectively.

“This part is not a great story and Canadians don’t want to talk about it,” says Melanee Thomas, political science professor at the University of Calgary. Though it’s completely antithetical to celebration, we need to tell and hear those parts of the story just the same. “A hundred years later, we have not moved past explicit race-based politics,” says Thomas, citing headline-dominating debates around topics like “old-stock Canadians” and criticism of immigration. “This shows us that this is not a problem of the past.”

This isn’t to say this hundred-year anniversary shouldn’t be lauded for the great barrier that was removed. Then and now, notes Thomas, “getting things done in politics is shockingly hard work.” Even with all the setbacks and exclusions of an imperfect moment, the extension of rights was a victory that moved all Canadians in the right direction, albeit slowly.

As we celebrate this anniversary, imagine the suffragettes looking forward at us. “Some would admire our progress, certainly. They’d see new legislation and new attitudes about work,” says Sangster. “Others would see the same issues, like violence against women and income inequality.” They’d see that though the youth vote has soared in recent years, fewer than six in 10 federal voters aged 18 to 24 cast their ballot in 2015. They’d see a record-high number of women sitting in Parliament, but know that number represents only a quarter of seats in the House. And they’d see that the anniversary’s falling perfectly atop the #MeToo movement is an ironic reminder that, despite more than a century of hard-won progress by the women that preceded us, our work is nowhere near done.

 

In Brief

A cheat sheet to suffrage then and now by Tina Anson Mine

“Have we not the brains to think? Hands to work? Hearts to feel? And lives to live? Do we not bear our part in citizenship? Do we not help build the Empire? Give us our due!”

NELLIE MCCLUNG


“I DO NOT WANT TO BE THE ANGEL OF ANY HOME; I WANT FOR MYSELF WHAT I WANT FOR OTHER WOMEN, ABSOLUTE EQUALITY. AND AFTER THAT IS SECURED, THEN MEN AND WOMEN CAN TAKE TURNS AT BEING ANGELS.”

AGNES MACPHAIL, FIRST WOMAN MEMBER OF
PARLIAMENT IN CANADA, ELECTED IN 1921


“The right to vote is one of the great privileges of democratic society, for after all it is you the people, not the Gallup poll, who determine into whose hands the guidance of public affairs may best be entrusted.”

JOHN G. DIEFENBAKER, FORMER PRIME MINISTER OF CANADA, WHO REMOVED THE REQUIREMENT FOR INDIGENOUS PEOPLES TO GIVE UP THEIR INDIAN STATUS IN ORDER TO VOTE, JUNE 15, 1962


“WE MUST OPEN THE DOORS AND WE MUST SEE TO IT THAT THEY REMAIN OPEN, SO THAT OTHERS CAN PASS THROUGH.”

ROSEMARY BROWN, FIRST BLACK WOMAN IN CANADA TO BE ELECTED TO A PROVINCIAL LEGISLATURE (MLA, BRITISH COLUMBIA, ELECTED 1972)

Percentage of women who voted in the 2015 federal election, compared with 64% of men.

Peak voting age for Canadian women. In this age group, 78.6% of women voted in the 2015 federal general election. The lowest turnout was among 18- to 24-year-olds.

The number of years between Canada’s first federal election in 1867 and 1960, when Indigenous people were legally allowed to vote without giving up their treaty rights and Indian status.

Number of female MPs elected in the 2015 general election.

Percentage of the 338 seats in the Canadian House of Commons occupied by women as of the 2015 general election.

 


 

Before the Ballot

A century after the first women in Canada were enfranchised federally, Anishinaabe writer RILEY YESNO, like many other Indigenous people, grapples with the decision of whether to vote at all.

 

“To vote, or not to vote?”
Many Indigenous people struggle with how to answer this question—including me. During the most recent Ontario provincial election, the first since I came of voting age, I wrestled with whether to participate up until the very moment I cast my ballot. For months before the election, I had researched and debated the issue. Now, standing at the polls in my local community centre, I had to make a decision.

Thoughts of the generations of women before me were weighing heavily on my conscience. I considered the suffragettes and the hard work that so many had put in for me to be able to exercise this right. I recognized that women weren’t allowed to vote in Ontario until 1917, and that in 2018 we marked just 100 years since women were allowed to cast their ballots federally—though Indigenous people were ineligible to vote without giving up their Indian status until 1960. (Inuit people were enfranchised in 1950, though they lacked access to ballot boxes in northern locations until 1962.) Not voting felt like an insult to women’s suffrage and an act of ignorance in the face of history.

I also thought about the Two Row Wampum belt and the importance of Indigenous sovereignty. The Two Row Wampum Treaty of 1613 is one example of why taking part in Canadian elections is problematic. The belt displays two rows of purple beads on a background of white. One row represents the European ship, the other the First Nations canoe. A symbol of respect and peace, it signifies an agreement to have two parallel systems, European and First Nations, coexisting, but for both groups to refrain from interfering with each other’s governance processes and ways of life. Canada has massively failed to respect this treaty.

Shadd Cary, originally obfuscating her gender under the pseudonym M.A. Shadd, was the first black woman publisher in North America. The weekly paper, called the Provincial Freeman (published in Toronto and Windsor, Ontario) discussed racial inequality and women’s voting rights and informed readers about suffrage meetings being held in Canada and the U.S.

While platforms and promises may vary, I don’t believe that any Canadian political party is truly reflective of the needs of Indigenous communities. In this respect, I agree with those who choose to abstain from elections. To vote in the current system is to perpetuate the same colonialism that so negatively impacts my people.

Other Indigenous people, however, approach the idea of voting differently. Many see it as a way to use their collective power to influence political decisions—a tool to ensure the best possible outcomes for our communities.
Recognizing all of these perspectives, I had to ask myself some challenging questions. Can I live with participating in such a deeply problematic—but hard-won—system? Is abstaining from voting a protest, or is it a surrender to the will of others to dictate the fate of my community, for better or for worse?

When the time came, I decided that I would cast my ballot. I did so not in spite of the responsibility I felt to respect Indigenous sovereignty and not because of the weight of history on my shoulders. I did so because on my ballot I was selecting more than just names and parties. I voted for the fate of the land and environment, for the livelihoods of the most vulnerable and for the future of the youngest generations. I chose to look at voting as an act of harm reduction: a small and imperfect attempt at fighting for the best option available in order to ensure quality of life for others, especially those less fortunate than I.

At the same time, Indigenous voices that disagree with the vote are necessary and important. Protesting and resisting systems you disagree with is often the only way to change them. I agree that, as famously said by the American feminist writer Audre Lorde, “The master’s tools will never dismantle the master’s house.”

My first vote was a challenging one, personally, morally, and ethically. I am still not certain that I did the right thing, or that I will always choose to participate in future elections. However, I am certain that as difficult as they may be, these conversations are important to have, especially when we commemorate historic moments like the 1918 federal enfranchisement of women in Canada. Change doesn’t happen in silence. If we want this country to change in such a radical way that it fully embraces and respects Indigenous sovereignty, we must continue to question and debate.

 

The Road to Suffrage

BY COLLEEN FISHER TULLY

 

 

A Page Out of History

 

Reminiscent of the controversial Fearless Girl statue facing down Charging Bull in Manhattan’s Financial District, this 1913 cartoon was published in a time of growing support for women’s suffrage in Canada. Canadian women were confident: Suffrage picnics, meetings, teas, petitions, and mock Parliaments were taking place in communities throughout the country. Political franchise was no longer limited to the ideals of privileged urban women; working-class and rural women were also organizing and ready to shape the nation’s political landscape. This cartoon reflects the idea that men were running scared from the growing force of the women’s movement. Using a young girl to illustrate Canada’s women is deliberate: Supporters felt enfranchisement would bring virtue and moral reform to a corrupt, male-dominated political system.

The Government of Canada
Jenn Kitagawa
Jenn Kitagawa designs and draws for magazines, record labels, and festivals.