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Extrait d’archive audio [La reine au Canada, 1964]: Le 6 octobre 1964, 100 ans plus tôt, les Pères de la Confédération se sont rassemblés ici à Charlottetown afin d’échanger sur l’idée d’un Canada unifié. Aujourd’hui, un siècle plus tard, Sa Majesté la reine Elizabeth II et le duc d’Édimbourg se rendent au berceau de la Confédération pour commémorer cet événement.
Angela Misri: L’extrait que vous venez d’entendre provient d’un court documentaire sur la visite de la Reine Elizabeth à Charlottetown en 1964, soit plus de 100 ans après que les dirigeants se soient réunis pour parler de la Confédération. Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec cette expression, il réfère au processus de regroupement des différentes régions – ce qu’on appelait les colonies britanniques – pour former le Canada.
Extrait d’archive audio [La reine au Canada, 1964]: La première sortie officielle de sa Majesté aura été de procéder à l’ouverture du bâtiment du mémorial national en l’honneur des fondateurs de la Confédération canadienne. Situé à quelques mètres du premier site où s’est tenue la première conférence en 1864, le bâtiment du mémorial, financé avec les fonds provenant de chacune des 10 provinces, rend hommage aux hommes qui ont dédié leur vie à la création de ce pays.
Angela Misri: Cela aura pris trois ans avant que le Canada, tel qu’on le connaît aujourd’hui soit formé, et six autres années se sont écoulées avant que l’Île-du-Prince-Édouard n’en fasse partie. Même, encore aujourd’hui, Charlottetown est encore considérée comme l’endroit où la confédération est née.
Bienvenue à Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui retrace les grands jalons de l’histoire canadienne. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est créé par The Walrus Lab. Je m’appelle Angela Misri.
Dans l’épisode d’aujourd’hui, nous discuterons du moment où l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) s’est jointe à la Confédération, il y a plus de 150 ans. Nous discuterons avec un historien local qui nous aidera à comprendre le rôle que cette province a joué dans la création du Canada et la raison pour laquelle ils ont rejoint le pays plus de 6 ans après sa création. Mais nous ne pouvons parler de l’Île-du-Prince-Édouard sans parler de ses premiers habitants et ses intendants de la terre, soit le peuple mi’kmaq. Pour en apprendre davantage sur l’histoire et ce qu’a vécu le peuple mi’kmaq, nous nous sommes entretenus avec Julie Pellissier-Lush une actrice, une gardienne du savoir, une conteuse d’histoires et la première lauréate poète mi’kmaq de l’Î.-P.-É..
Julie Pellissier-Lush: Je suis Mi’kmaq et je demeure dans le territoire non cédé dénommé Mi’kma’ki. Je suis membre de la bande de Lennox Island. Et Lennox Island est l’une des deux communautés des Premières Nations présentes sur l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons la Première nation d’Abegweit et la Première nation de Lennox Island.
Angela Misri: Julie est un membre actif de sa communauté. Et comme elle dit, dans ses propres mots: elle porte plusieurs chapeaux.
Julie Pellissier-Lush: L’un des nombreux chapeaux que je porte est d’être une gardienne du savoir, qui représente quelqu’un qui n’est pas assez vieux pour être considéré comme une aînée, mais qui a travaillé toute sa vie avec les aînés et qui a toujours travailler fort à devenir une bonne aînée qui détient le savoir et qui partage ses apprentissages et ses histoires. Donc, je suis une aînée à en devenir actuellement, donc je suis en train de récolter le plus de savoirs et d’histoires possible. Une partie de ce rôle sert à partager ces histoires et ce savoir que je cumule. Donc, j’effectue une partie de ce travail dans ma vie au quotidien. Je suis une gardienne du savoir au L’nuey, donc c’est mon travail à temps plein. Nous travaillons actuellement sur la gouvernance de la bande et sur un traité. Nous avons nos avocats, nous avons la participation active de gens qui essaient très fort de trouver une façon qui nous permettrait de débuter les négociations de nos traités, ici à Epekwitk ou à l’Île-du-Prince-Édouard.
Angela Misri: Julie est aussi directrice pour le Mi’kmaq Heritage Actors, une troupe de théâtre qui existe depuis 2011.
Julie Pellissier-Lush: Nous avons effectué plus d’un millier de représentations avec nos jeunes, qui sont plus de 30, qui deviennent meilleurs de jour en jour à montrer leur talent autochtone de batteurs, de chanteurs et de danseurs et de compteurs d’histoires. Nos jeunes participent activement à ce projet. Je crois que les parents sont fiers, les grands-parents aussi, les tantes, les oncles, en particulier lorsqu’ils voient que leur enfant partage des choses qui n’étaient traditionnellement pas facile à partager ici à l’Île-du-Prince-Édouard et de le ramener en plus.
Angela Misri: Pour Julie et plusieurs autres membres de sa communauté, partager des histoires à travers la musique et la danse représente une façon unique de se réapproprier ses pratiques culturelles qui ont été interdites pendant la colonisation… les traditions qui ont été censurées pendant que leurs terres ont été volées et que leurs enfants étaient envoyés au pensionnat. Pour ces raisons et bien d’autres, la signification du 150e anniversaire de l’Île-du-Prince-Édouard est bien différente pour Julie qu’elle ne pourrait l’être pour certains colons canadiens.
Julie Pellissier-Lush: Quand je pense au 150e, je crois que nous avons parcouru tout un chemin depuis le début de la Confédération. Et je crois qu’il nous en reste encore beaucoup à parcourir. Nous avons tellement de commissions. Des appels à l’action ont été lancés avec la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR). Il y a tant de choses qui pourraient être mises en œuvre.
Angela Misri: Une façon d’avancer, comme mentionné par Julie, c’est de préserver et de faire la promotion des langues autochtones comme le Mi’kmaq.
Julie Pellissier-Lush: Il faut y travailler, il faut nous donner l’occasion d’apprendre. Pour ceux et celles qui n’ont jamais eu cette opportunité de l’apprendre en grandissant, nous avons, nous aurons l’occasion maintenant. Et je crois sincèrement que si nous protégeons notre langue, que cela protège aussi les personnes que nous sommes parce que cela nous rappelle qui nous sommes et d’où nous venons et cela nous aide à cheminer ensemble.
Angela Misri: C’est tout aussi important de préserver nos langues que de préserver et raconter notre histoire à travers le théâtre ou tout autre moyen de création.
Julie Pellissier-Lush: Pendant de nombreuses années au Canada, plusieurs personnes parmi les peuples autochtones ont eu de la difficulté à se définir et à savoir qui ils étaient en raison de tous les systèmes qui tentaient de les mettre dans des cases pour nous enlever notre identité et nous éloigner de qui nous étions. Maintenant, nous devons la réclamer de nouveau. Et nous la réclamons en racontant nos histoires et en les partageant avec les autres. Et les histoires que nous racontons avec les membres de notre communauté et avec nos amis et alliés non autochtones. Ils entendent ces histoires à partir desquelles ils peuvent apprendre qui nous sommes parce que c’est nous qui racontons notre propre histoire.
Angela Misri: Nous tenons à remercier Julie Pellissier-Lush qui nous a partagé son savoir, ainsi que ce qu’elle a vécu. J’aimerais maintenant inviter le Dr Edward MacDonald afin de nous aider à mieux comprendre ce qui a mené l’Île-du-Prince-Édouard à rejoindre la Confédération en 1873. Dr Macdonald était professeur d’histoire et d’études classiques à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. Il est l’auteur de plusieurs livres, papiers, incluant “If You’re Stronghearted: Prince Edward Island in the Twentieth Century.” Bienvenue, Docteur Macdonald.
Dr Edward MacDonald: Bonjour!
Angela Misri: Bonjour! Donc, vous venez tout juste d’entendre Julie Pellissier-Lush nous partager son expérience en tant que Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard. Que pensez-vous de ce qu’elle vient de nous partager?
Dr Edward MacDonald: Julie est quelqu’un que j’ai toujours admiré et j’admire son approche des droits des Mi’kmaq et des droits autochtones. Donc, c’est une réponse réfléchie et je crois qu’elle a du sens. Cet anniversaire représente un temps pour réfléchir et c’est une commémoration, mais
ce n’est pas toujours une célébration.
Angela Misri: Donc, avant qu’on plonge davantage dans l’histoire de l’Î.-P.-É., pouvez-vous nous dire comment étaient gérées les différentes provinces avant la Confédération?
Dr Edward MacDonald: Il y avait une période où chacune des colonies agissait sous leurs propres règles et était autonome dans ses affaires internes. Mais chacune avait son propre gouvernement et agissait de façon autonome. Donc, l’Empire britannique s’étendait donc sur tout le continent, mais pas en une sorte de corps unifié, mais en une série de lieux et de colonies dotés de leurs propres gouvernements. Coopérer et former une union représentait tout un défi.
Angela Misri: Donc, comment la Confédération a-t-elle débuté? À qui appartenait cette idée?
Dr Edward MacDonald: Bien, cela ferait le sujet d’un libre entier et, en fait, cela a été le sujet de plusieurs livres. Mais les pressions provenaient de l’intérieur et de l’extérieur. Donc, le bureau colonial en Angleterre avait pour mission de faire en sorte que les colonies leur coûtent moins cher à administrer et à défendre. Ils misaient beaucoup sur le libre-échange dans le milieu des années 1800. Ils ne trouvaient plus nécessaire d’avoir à portée de main une colonie en tant que marché garanti, donc ils ont fait pression afin que nous devenions plus efficients. Ils croyaient vraiment qu’une confédération de colonies était une bonne idée. Les colonies maritimes étaient moins ouvertes à cette idée, mais la colonie du Canada, qui était le mariage entre du Canada, de l’Est et de l’Ouest, était essentiellement un mariage non fonctionnel et malheureux entre des protestants anglophones et des catholiques francophones. Ils avaient déjà un peu de misère à gérer leurs propres affaires, au centre du pays. Et donc, ils ont formé un gouvernement en 1864. Leur plateforme était essentiellement d’avoir une confédération de toutes les colonies ou une séparations des deux moitiés de leur propre colonie. Une autre pression : la peur des États-Unis, un pays qui, aujourd’hui, nous considérons comme un ami et un allié. À la moitié du 19e siècle, ils avaient été et étaient toujours un ennemi potentiel. Nous étions un peu inquiets qu’ils se rendent à une guerre civile, mais, dès qu’ils eurent décidé de l’issu de la situation, ils auraient pu décider de se tourner vers le nord afin de vous envahir.
Angela Misri: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la conférence de Charlottetown? Quand s’est-elle déroulée et qui y a assisté?
Dr Edward MacDonald: Okay, en fait, la conférence de Charlottetown date de septembre 1864. Ce qui a mené à cette dernière est en fait l’idée du gouverneur du Nouveau-Brunswick selon laquelle il croyait pouvoir rassembler les colonies des maritimes. Mais ce n’était pas une union de toutes les colonies, mais c’était certainement le début d’un bureau colonial, une première volonté d’unifier les colonies. Donc, il imaginait les premiers ministres et les gouverneurs se rencontrer, que les premiers ministres feraient ce qu’on leur a dit de faire. Ils retourneraient dans leur législature et on aurait ainsi une union maritime. Mais les discussions entre les politiciens ont ratissé plus large et ont abouti à l’idée suivante : en fait, invitons les membres des partis de l’opposition à une conférence. Et, soudainement, c’est devenu une sorte de forum pour discuter de sujets bien plus vastes. Maintenant, à l’Île-du-Prince-Édouard, nous vivions à l’écart du monde à l’époque. Nous profitions de notre âge doré en termes d’autonomie. C’était une période de croissance économique. Nous n’étions aucunement intéressés à une union des maritimes. Bien que nous ayons accepté d’assister à la conférence, le reste des maritimes étaient préoccupés à l’idée que nous n’y assistions pas, à moins qu’elle ait lieu à l’Île-du-Prince-Édouard. Ils se sont donc offerts de venir nous visiter.
Angela Misri: Oh, ils se sont invités eux-mêmes.
Dr Edward MacDonald: Ils se sont invités eux-mêmes. Nous n’avions aucunement l’intention d’organiser une conférence jusqu’à ce que la Coalition du Canada entende parler de cette dernière et dise : voici notre occasion de leur vendre notre idée de grandeur. Donc, ils ont demandé s’il pouvait y assister et nous nous sommes dit que nous ferions mieux d’organiser cette conférence. Les Canadiens se sont présentés le premier jour de la conférence par bateau et les peuples des maritimes ont dit : hey, mettons de côté notre union des maritimes et écoutons ce que les Canadiens ont à nous dire. Et les Canadiens ont passé la semaine à nous vendre cette idée d’une confédération de toutes les colonies dans l’est du continent. Et les maritimes ont écouté.
Angela Misri: Donc, je trouve assez intéressant que vous les désigniez comme Canadiens.
Dr Edward MacDonald: Mm, hmm, c’est comme ceci que nous les appelions.
Angela Misri: Okay, et comment vous appeliez-vous?
Dr Edward MacDonald: Nous étions des Insulaires, les Néo-Écossais et les Néo-Brunswickois.
Angela Misri: Hum, hum.
Dr Edward MacDonald: Il y avait un fort sentiment d’appartenance avec l’Empire britannique, même si l’Empire britannique ne semblait plus vraiment vouloir de nous de toute façon. Donc, ouais. Lorsqu’on parlait des Canadiens en 1864, nous faisions référence au centre du Canada, ce qui désigne maintenant le centre du Canada et c’était la province du Canada. Ils faisaient un bon travail. Les Canadiens ont eu la chance de préparer leur pitch de vente et ils passèrent la semaine à présenter une structure et une vision sommaire sur la façon dont fonctionnait une telle union. Et, à la fin de la semaine, un accord de principe sur la confédération des colonies a été fait, si les termes de satisfaction pouvaient être rencontrés. C’était tout un accomplissement.
Angela Misri: Ouais, je comprends que ce n’était pas juste une stratégie pour convaincre, mais il y avait beaucoup de rencontres sociales et de festivités à cette conférence.
Dr Edward MacDonald: Il y a un mythe, enfin ce n’est pas tout à fait un mythe parce qu’il est en partie vrai. C’est l’idée selon laquelle nous avons conçu notre nation en état d’ébriété. Et c’est totalement faux. Nous avions probablement la gueule de bois quand nous l’avons fait. Mais les Canadiens ont apporté des provisions, du champagne et toutes sortes de nourriture. Et les habitants de l’île ont été de très, très bons hôtes. Et donc, tous les jours, ils se rencontraient le matin et, au début de l’après-midi, il y avait un repas et, plus tard dans l’après-midi, il y avait un bal. Et donc, l’un des éléments les plus importants qui s’est déroulé à l’extérieur de la salle de conférence est que les choses qui semblaient étranges se sont estompées au fur et à mesure que ces personnes, qui ne se connaissaient pas, ont noué des amitiés, des alliances.
Angela Misri: Ouais.
Dr Edward MacDonald: Cela leur a permis de se rapprocher et cela leur a particulièrement servi lorsqu’ils furent de retour dans la salle de conférence puisque vous savez, les nations, tout comme l’amitié, se bâtit sur la confiance entre les membres. Et, donc, oui, faire la fête était important et, oui, c’est plaisant de faire la fête. Dans les faits, faire la fête a très bien servi. Plus tard cet automne-là, à Québec, ils ont fait la même chose et cela ne s’est pas aussi bien passé.
Angela Misri: Peut-être ont-ils pris le mauvais vin? Comme peut-être…
Dr Edward MacDonald: Oui, cela aurait pu être le cas. Mais, vous savez, cette idée de la Confédération fit l’objet de débats. On en parlait en 1858. Cette idée avait été évoquée dans les débats de société. Mais elle ne constituait pas vraiment une perspective sérieuse jusqu’à la conférence à Charlottetown et c’est ce qui explique la revendication de longue date de l’île comme étant le berceau ou le lieu de naissance de la Confédération. C’est en effet ici qu’elle est devenue une avenue politique envisageable. L’accord de principe était loin d’être une confédération, mais il partait aussi de loin.
Angela Misri: Ouais, parlant de ça, cela prendra plus de trois années suivant la conférence avant que le Dominion du Canada soit formé, mais l’Î.-P.-É. n’avait toujours pas joint la Confédération à ce moment. Mais pourquoi ne l’avait-il pas fait?
Dr Edward MacDonald: Ouais, cela contribuait peu à percevoir l’Île-du-Prince-Édouard comme berceau de la Confédération. En vérité, cela a été l’argument de la ville et non l’argument de la province. Donc, il y avait une conférence cet automne-là à Québec. C’était le moment où cette idée d’union fédérale des colonies se bâtissait à travers une série de décisions constitutionnelles. Les dispositions adoptées au Québec ont vraiment aliéné un grand nombre d’insulaires. Ce ne sont pas tous, nous délégués, une majorité croyait encore que c’était une bonne idée pour la Confédération, mais c’était communément dit à l’l’Île-du-Prince-Édouard que 99% des insulaires étaient contre l’idée. Maintenant, il y a deux niveaux d’opposition dans notre région à ceci, vous savez, l’union. L’une d’entre elles est l’opposition aux termes de la Confédération et les insulaires n’étaient certainement pas contents avec les dispositions de, vous savez, la rencontre à Québec. L’autre opposition était une opposition de principe. Ils croyaient que c’était une mauvaise idée. Donc, l’argument était le suivant: les autres peuples des Maritimes étaient opposés aux termes plutôt qu’à l’idée, alors que les insulaires étaient opposés à l’idée de renoncer à leur autonomie, que nous venions de gagner en 1851 après une très longue bataille. Tout cela pour la donner à un gouvernement établi à Ottawa, qui détiendrait l’essentiel du pouvoir, dans lequel nous aurions peu d’occasions de nous faire entendre. Nous avions peu de gains potentiels et beaucoup à perdre. Et donc, oui, nous avons voté pour ne pas rejoindre la Confédération et elle fut créée sans nous.
Angela Misri: Donc, pourquoi est-ce que l’Î.-P.-É. a finalement rejoint la Confédération?
Dr Edward MacDonald: En fait, ce serait intéressant de dire que nous avons apporté une vision selon laquelle le Canada était une bonne chose et voilà un pays dont nous avions peur, vous savez, comme la peur de…
Angela Misri: la peur de rater quelque chose.
Dr Edward MacDonald: Mais, oui, de rater quelque chose, les raisons étaient plus spécifiques et concrètes.
Angela Misri: D’accord.
Dr Edward MacDonald: Donc, nous avions donc des problèmes spécifiques à l’Île-du-Prince-Édouard que la Confédération n’a pas proposé de résoudre, notamment le fait que la moitié des terres de l’Î.-P.-É. appartenait encore à des propriétaires de terres absents qui louaient leurs fermes et que les insulaires n’étaient pas en mesure d’acheter les leurs et que la Confédération ne permettrait pas de résoudre ce problème.
Mais le principal changement n’a pas été la promesse d’Ottawa de nous aider à résoudre ce problème. Le changement le plus important est qu’en 1871, nous avons attrapé la fièvre du chemin de fer et elle nous a tué. Comme vous le savez, les chemins de fer étaient comme l’automobile des années 1900 et l’ùinternet du nouveau millénaire. Les gens pensaient que le chemin de fer était la clé de la prospérité et que c’était la clé du progrès. C’était le signe de la modernité. Il allait rendre tout le monde riche. Ils ne savaient pas exactement comment, mais ils se doutaient que ce serait le cas. C’est ainsi que l’Î.-P.-É…
Angela Misri: C’est comme le Bitcoin.
Dr Edward MacDonald: Oui, un peu comme le Bitcoin, nous avons donc décidé, notre gouvernement a décidé de construire un chemin de fer traversant l’île d’un bout à l’autre. Comme le reste de l’Amérique du Nord, nous sommes devenus un pays avec un chemin de fer. Le problème, c’est que nous n’avions pas les moyens de construire ce chemin de fer. En fait, notre gouvernement était au bord de l’insolvabilité.
Angela Misri: Oh wow.
Dr Edward MacDonald: Donc, vous pourriez voir la Confédération comme la personne que vous ne voudrez jamais comme époux ou épouse, même si elle était la dernière personne sur terre. Mais la Confédération commençait à devenir intéressante tout d’un coup.
Angela Misri: Ouais, elle commençait à devenir de plus en plus attirante.
Dr Edward MacDonald: Elle commençait à devenir attirante. Et, donc, le gouvernement de l’époque s’était rendu à Ottawa pour les conditions. Maintenant, Ottawa nous a mis au pied du mur. Ils voulaient que l’Î.-P.-É. rejoigne la Confédération. Nous étions ici, une île située au milieu du golfe, à proximité des voies maritimes au cœur du continent et nous avions les Américains qui attendaient de savoir si l’annexion pouvait être une possibilité. Ils nous voulaient. Et donc, Ottawa, en fait, nous a offert les meilleures conditions jamais reçues par une autre province auparavant pour rejoindre le pays. Et, donc, le gouvernement a conclu un accord. Ils se sont engagés à soumettre aux gens du peuple les conditions de toute union. Ils ont organisé des élections. L’autre parti a dit: nous pouvons obtenir de meilleures conditions que celles-là. Ils ont gagné les élections et sont retournés à Ottawa en disant: ce n’est pas un accord. Nous voulons un meilleur accord! Et Ottawa a amélioré l’accord, à nouveau. C’est ainsi qu’en 1873, nous sommes devenus une province du Canada. Le Canada a pris en charge notre dette, y compris notre dette ferroviaire, incluant le coût de l’achèvement du chemin de fer. Il nous a également prêté l’argent nécessaire pour racheter les propriétaires des terres absents et se débarrasser du régime foncier des baux sur l’Île-du-Prince-Édouard. Deux grandes avancées pour l’Île-du-Prince-Édouard.
Angela Misri: Ouais. En portant un regard sur les 150 dernières années comme province, de quelle façon pensez-vous que l’Î.-P.-É. aurait évolué si elle avait décidé de ne pas joindre le Canada?
Dr Edward MacDonald: Vous savez, je donne un cours d’histoire sur l’île et c’est une question que je pose, une question hypothétique, mais c’est une question que je pose. Que serait-il arrivé si nous n’avions pas bâti de chemin de fer? Que serait-il arrivé si nous avions décidé de ne pas nous joindre? Ce sont ces questions hypothétiques auxquelles personne ne peut répondre. On peut regarder l’histoire de Terre-Neuve. Terre-Neuve n’a pas joint la Confédération. Ils ont organisé une élection sur le sujet en 1869 et la réponse de joindre le Canada fut négative aux bureaux de votes. Et Terre-Neuve en arracha. Elle demeura indépendante jusqu’en 1949 et c’était une indépendance qu’ils valorisaient et qu’ils valorisent encore. Ils ont passé à travers les crises tant bien que mal et ont lutté pour leur survie économique et leurs ressources étaient trop petites pour une population grandissante. Cela aurait été le cas pour l’Î.-P.-É. Donc, je crois que nous aurions été fiers, mais pauvres. Je crois que nous en aurions arraché. Et qui sait combien de temps cela aurait pris avant que nous ne joignions officiellement le Canada?
Angela Misri: Donc, est-ce que cet anniversaire est significatif pour les Princes-Édoudardiens et Prince-Édouardiennes? Que cela signifie-t-il pour eux maintenant?
Dr Edward MacDonald: Excellente question. À partir de 1914, l’Î.-P.-É. a tenté de changer notre statut afin d’être désigné comme lieu de naissance de la Confédération. Et, en fait, tenter de convaincre le reste du pays que nous sommes l’endroit où est née la Confédération et nous avons tenté d’en faire une industrie touristique.
Angela Misri: C’est drôle que vous le désigniez comme lieu de naissance de la Confédération puisqu’ils ne se sont pas joints. Je me questionne si on avait pu plutôt la désigner comme sage-femme ou hôtesse. Vous voyez ce que je veux dire?
Dr Edward MacDonald: Eh bien, c’était toute une question. Il y a donc un acte au Parlement du Canada qui nous proclame comme lieu de naissance de la Confédération, mais c’est Charlottetown qu’on a proclamée. J’étais témoin devant le Sénat, il y avait un comité au Sénat qui regardait la charte. Et on m’a posé cette question : comment pouvez-vous être le lieu de naissance de la Confédération quand vous ne l’avez pas joint initialement? J’ai dit, eh bien, il y a deux raisons. L’une d’entre elle est que c’est ici que s’est déroulé l’une des étapes très importantes vers la Confédération, c’est ici que s’est fait l’accord de principe. La Confédération elle-même était autrefois synonyme de célébration. Mais alors que nous sommes confrontés à notre passé colonial, l’année 2023 est un moment propice pour entamer une réflexion sobre, vous savez, sur l’événement, la Confédération est un événement important, mais sous-entend aussi des relations. C’est une relation en continu que nous entretenons en tant que Canadiens. À partir de 1867 et depuis 1873, il y a des choses pour lesquelles nous devons être fiers et d’autres sur lesquelles nous avons encore du travail à faire. Nous remettons en question certaines d’entre elles présentement. Alors que l’année 2023 n’a pas été un événement touristique, je crois que c’est un bon moment pour réfléchir. Comme j’ai mentionné plus tôt, vous savez, commémorer quelque chose n’est pas un synonyme de célébration. Une commémoration signifie que quelque chose d’important est survenu. Parlons-en.
Angela Misri: Merci de vous être joint à nous, Docteur Macdonald. C’était très enrichissant.
Dr Edward MacDonald: Merci de m’avoir invité.
Angela Misri: Merci d’avoir écouté Voyages dans l’histoire canadienne – un balado financé par le gouvernement du Canada et créé par The Walrus Lab. Comme pour tous les épisodes, les transcriptions sont disponibles en anglais et en français. Pour lire les transcriptions, veuillez visiter le thewalrus.ca/canadianheritage. Cet épisode a été produit par Caro Rolando et édité par Andre Proulx. Amanda Cupido est la productrice exécutive.
À la prochaine pour Voyages dans l’histoire canadienne. Pour plus d’histoires à propos des grands jalons de l’histoire canadienne, visitez thewalrus.ca/canadianheritage.